Le Traité d'Arras (1435) : La Paix Miraculeuse qui Changea la France

 Traité d'Arras (1435) — Wikipédia

En ce début du XVe siècle, la France est un royaume en lambeaux, déchiré par les flammes de la guerre civile et étrangère. Depuis 30 ans, deux factions s’affrontent avec une férocité inouïe : les Armagnacs, fidèles au roi Charles VII, et les Bourguignons, soutenant le duché de Bourgogne. Cette rivalité, née dans le sang de l’assassinat de Louis d'Orléans en 1407, se confond avec le vaste conflit de la Guerre de Cent Ans, qui oppose la France à l’Angleterre. Mais, en 1435, après des années de haine et de batailles fratricides, le miracle se produit. À Arras, ville paisible du Nord, un traité est signé, scellant la réconciliation entre ces deux grandes forces du royaume.

Les Origines d'une Guerre Fratricide

La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons plonge ses racines dans une France fragilisée par la folie du roi Charles VI. Les luttes de pouvoir déchirent la couronne : d’un côté, les Armagnacs, fidèles au roi, conduits par Bernard VII d’Armagnac, et de l’autre, les Bourguignons, sous l’égide du puissant duc de Bourgogne, Jean sans Peur.

En 1407, la situation bascule avec l’assassinat du duc Louis d'Orléans, frère du roi, perpétré par les hommes de Jean sans Peur. Ce crime déclenche une vendetta entre les deux factions, transformant la France en un champ de bataille où aucune pitié n’est accordée. Les villes, les campagnes, les familles : tout le pays est broyé sous le joug de cette guerre sans fin.

Pendant ce temps, le conflit avec l’Angleterre continue de faire rage. La défaite française à Azincourt en 1415 est un coup dur qui précipite le royaume dans une nouvelle spirale de violence. En 1420, le Traité de Troyes trahit la France : Charles VI désigne l’Anglais Henri V comme son successeur, écartant son propre fils, le dauphin Charles, futur Charles VII.

Les Bourguignons et la Trahison d'Azincourt

Les Bourguignons choisissent alors leur camp : ils s’allient aux Anglais. Ce pacte avec l’envahisseur, motivé par la soif de pouvoir, pousse le duc Philippe le Bon, successeur de Jean sans Peur (lui-même assassiné en 1419 sur les ponts de Montereau par les Armagnacs), à tenter de consolider ses territoires et de venger son père. Philippe rêve d’un duché autonome, de plus en plus indépendant de la couronne française. La guerre fratricide se prolonge dans ce contexte d’alliances mouvantes, où l’honneur des familles prime sur l’intérêt du royaume.

Pendant des années, le conflit entre Armagnacs et Bourguignons se superpose à la Guerre de Cent Ans, affaiblissant encore plus le royaume. Les villes changent de main, les campagnes sont ravagées. La France, déchirée entre le roi et ses puissants vassaux, semble au bord de la dislocation.

Le Miracle de la Paix : Le Traité d’Arras

Mais en 1435, alors que le chaos règne toujours, la paix finit par poindre. Charles VII, couronné roi de France après la reconquête de Reims grâce à Jeanne d'Arc en 1429, sait que pour restaurer son royaume, il doit se réconcilier avec le puissant duc de Bourgogne.

C’est à Arras, lors d’un congrès diplomatique organisé à partir du mois d’août 1435, que la paix tant attendue est scellée. Philippe le Bon, les émissaires du roi d’Angleterre Henri VI, et des représentants du roi Charles VII s’y rencontrent. Les négociations sont intenses. Les Anglais, qui craignent de perdre leur allié bourguignon, essaient de séduire Philippe avec des promesses territoriales. Mais Philippe est las de cette guerre interminable, et les Armagnacs lui offrent enfin ce qu’il désire depuis tant d’années : justice pour la mort de son père.

Le 21 septembre 1435, le Traité d'Arras est signé entre Philippe le Bon et Charles VII. Par ce traité, Philippe le Bon obtient des concessions majeures : la restitution des villes de la Somme, d’importants territoires, ainsi que la garantie d’une quasi-autonomie pour le duché de Bourgogne. Mais surtout, Charles VII reconnaît officiellement la responsabilité des Armagnacs dans l’assassinat de Jean sans Peur. Cette reconnaissance publique est un coup de maître diplomatique. En échange, Philippe le Bon abandonne son alliance avec l’Angleterre et prête allégeance à Charles VII.

Les Conséquences Historiques du Traité

Le Traité d'Arras marque un tournant décisif dans la Guerre de Cent Ans. Isolés, les Anglais perdent un allié crucial. La réconciliation entre Charles VII et Philippe le Bon permet au roi de se concentrer sur la reconquête des territoires occupés par les Anglais. En moins de vingt ans, la France remportera de grandes victoires, comme celle de Formignyen 1450, et récupérera ses terres.

Le traité ne signifie pas la fin immédiate des tensions internes en France, mais il amorce un renouveau politique et militaire qui conduira Charles VII à rétablir son autorité et à initier la reconstruction du pays. Les Bourguignons, de leur côté, continueront de jouer un rôle majeur dans les affaires européennes, mais cette paix leur permettra de prospérer sans être constamment pris dans les querelles internes du royaume.

L'Héritage du Traité d'Arras

Ce traité est un jalon majeur de la diplomatie médiévale. Il démontre qu’en dépit des haines accumulées et des guerres sanglantes, la paix est parfois possible quand les intérêts pragmatiques prennent le pas sur les querelles personnelles. Il préfigure aussi les relations complexes entre la France et la Bourgogne, qui se poursuivront dans les décennies suivantes.

L’histoire de la réconciliation d'Arras reste une source d’inspiration pour ceux qui croient en la diplomatie, même dans les contextes les plus sombres de l’histoire. C'est une leçon : la paix peut toujours triompher de la guerre, même quand tout semble perdu.

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