Le Grand Martyre de Nagasaki : le souffle éteint de la foi au Japon

 Missionnaire au Japon - France Catholique

En cette année 1622, sous un ciel lourd et chargé de silence, la ville de Nagasaki se prépare à assister à un événement tragique qui résonnera dans l'histoire du Japon et du christianisme. Sur une colline qui surplombe la baie, le vent souffle doucement, portant avec lui les murmures des prières des condamnés. Ce jour-là, cinquante-deux âmes, des missionnaires et des convertis, s’apprêtent à sacrifier leur vie pour leur foi.

Le Japon du début du XVIIe siècle est un pays en pleine transformation. Les missionnaires chrétiens, notamment jésuites, franciscains et dominicains, avaient apporté la foi chrétienne sur l’archipel dès le XVIe siècle. Le christianisme y avait d'abord trouvé un certain écho, notamment grâce aux efforts du missionnaire François Xavier, qui avait ouvert la voie en 1549. De nombreux seigneurs locaux et samouraïs s’étaient convertis, et le nombre de fidèles ne cessait de croître.

Mais cette influence étrangère inquiétait les autorités japonaises, qui voyaient d’un mauvais œil l’expansion rapide du christianisme et la puissance croissante des missionnaires. Le shogun Tokugawa Ieyasu, fondateur de la dynastie Tokugawa, imposa progressivement des mesures drastiques pour éradiquer cette religion, perçue comme une menace à l'unité du Japon et à ses traditions. Les chrétiens furent alors traqués, persécutés et exécutés. Ce climat de terreur atteignit son paroxysme en 1622, lors de ce que l'histoire retiendra comme le "Grand Martyre de Nagasaki".

Ce 10 septembre, sous le regard impassible des soldats et des citoyens contraints d’assister à ce funeste spectacle, cinquante-deux chrétiens, hommes, femmes et enfants, sont amenés à la colline dite des Martyrs. Parmi eux, on trouve des missionnaires étrangers – Espagnols, Portugais, Italiens – ainsi que de nombreux Japonais convertis. Leurs crimes ? Avoir refusé de renier leur foi en Jésus-Christ et d’abandonner leur croyance en une religion venue de l'Occident.

Certains sont condamnés à être brûlés vifs, d’autres à la décapitation. Leurs visages, éclairés par la lueur des flammes, ne montrent aucune peur, seulement une détermination inébranlable. Tandis que les bourreaux accomplissent leur tâche, les prières et les chants des martyrs s'élèvent vers le ciel, défiant la violence des événements. Leurs derniers mots, adressés à Dieu, résonnent comme un ultime acte de défi face à l'oppression.

Cette exécution de masse ne marque pourtant pas la fin du christianisme au Japon, mais elle symbolise le début d'une longue période de clandestinité. Les croyants restants, appelés "kakure kirishitan" (chrétiens cachés), poursuivront secrètement leurs rites et leur foi pendant plus de deux siècles, dans l’ombre et au péril de leur vie, jusqu'à la réouverture du Japon au monde extérieur au XIXe siècle.

Le Grand Martyre de Nagasaki est aujourd’hui encore une page douloureuse de l'histoire japonaise et chrétienne, mais aussi un témoignage puissant de la persévérance humaine face à la persécution. Sur la colline où ces hommes et femmes ont trouvé la mort, se dresse aujourd'hui un monument en leur mémoire, rappelant que même sous la plus cruelle répression, la foi peut survivre, cachée dans les cœurs des croyants.

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