Le Crépuscule d'une Union : La Dissolution Pacifique de l'Union Suède-Norvège en 1905

 Dissolution de la Suède-Norvège — Wikipédia

En cette année 1905, un vent de liberté souffle sur la Scandinavie. Le 26 octobre, dans la petite ville de Karlstad, un traité est signé, scellant la fin d’une union vieille de près d’un siècle. La Norvège et la Suède, deux royaumes qui avaient partagé bien des destinées communes, choisissent de se séparer pacifiquement, marquant ainsi la fin d'une ère, celle de l’Union suédo-norvégienne. Ce jour-là, l’histoire des nations scandinaves prend une tournure nouvelle, celle de l’indépendance pour l’une, et de la renonciation à la domination pour l’autre.

Le Poids d'une Union : Deux Royaumes, Une Couronne

Pour comprendre la portée historique de cette séparation, il faut remonter à 1814, au lendemain des guerres napoléoniennes. La Norvège, alors sous domination danoise, est cédée à la Suède lors du traité de Kiel. Si les Norvégiens proclament leur indépendance et adoptent une constitution, ils sont rapidement contraints de se soumettre à une union avec la Suède. L'union, bien que sous forme d'une double monarchie où chaque pays conserve ses propres institutions, impose à la Norvège un roi commun avec la Suède, basé à Stockholm, ainsi qu'une politique étrangère sous contrôle suédois. Pour beaucoup de Norvégiens, cette situation devient rapidement une source de frustration.

Au fil du XIXe siècle, la Norvège, portée par un sentiment national grandissant, aspire à plus d’autonomie. Les tensions montent, surtout autour de la gestion des affaires étrangères et du rôle dominant de la Suède dans l'union. Mais contrairement à d'autres peuples d’Europe, les Norvégiens optent pour la patience et la diplomatie plutôt que pour les révoltes violentes. Ils entreprennent un long chemin vers l’indépendance, luttant pour chaque parcelle de souveraineté à travers des réformes et des négociations politiques.

Les Derniers Souffles de l’Union : Le Conflit autour de la Politique Étrangère

La fin de l’union approche en 1905, avec une crise diplomatique majeure concernant la gestion des consulats. La Norvège, en pleine expansion économique, exige d’avoir ses propres consulats pour gérer ses relations commerciales à l’étranger. Mais le roi suédois Oscar II refuse catégoriquement. Ce désaccord déclenche la crise finale. Le 7 juin 1905, le Storting (le parlement norvégien) déclare unilatéralement la dissolution de l'union, arguant que le roi suédois a failli à ses devoirs en refusant de nommer un gouvernement norvégien.

Cette décision est une véritable bombe diplomatique. En Suède, certains appellent à la guerre, considérant cet acte comme une trahison. Mais une confrontation militaire est évitée grâce à la prudence des deux gouvernements, désireux de trouver une solution pacifique.

Le Traité de Karlstad : La Diplomatie Triomphante

C’est dans cette atmosphère tendue que s’ouvrent les négociations de Karlstad. La Suède, bien qu’amer de voir l’union se dissoudre, accepte de discuter. Les négociations sont marquées par une volonté claire des deux parties d’éviter le conflit. La Norvège obtient gain de cause : l’union est officiellement dissoute, et la Norvège devient un royaume indépendant.

Cependant, les termes du traité prévoient certaines garanties pour les deux pays. La forteresse de Fredriksten, située près de la frontière, est démantelée, et les deux nations s’engagent à respecter une zone démilitarisée le long de leur frontière commune, évitant ainsi toute menace militaire future.

Le Triomphe de la Paix : Une Séparation Pacifique et Exemplaire

La signature du traité de Karlstad est saluée à travers l’Europe comme un modèle de résolution pacifique des conflits. Dans un siècle marqué par les guerres, ce divorce entre deux nations sœurs se fait sans verser une goutte de sang, un exploit rare à l’époque. Le roi Oscar II, bien que profondément déçu, accepte la réalité et renonce à son titre de roi de Norvège.

De l'autre côté, la Norvège, désormais libre, se met en quête d'un roi. Le Storting propose la couronne à Charles de Danemark, qui devient le roi Haakon VII de Norvège, marquant ainsi le début d'une nouvelle ère pour le royaume.

L’Héritage du Traité de Karlstad

Aujourd’hui, la signature du traité de Karlstad est un symbole fort de la capacité des nations à résoudre pacifiquement leurs différends. La Norvège et la Suède, bien qu’indépendantes, restent profondément liées par des siècles d’histoire commune et de proximité géographique. L’événement de 1905 marque la fin d’une union politique, mais renforce paradoxalement les liens culturels et amicaux entre les deux pays, qui coopèrent aujourd'hui au sein des structures scandinaves et internationales.

Ainsi, cette dissolution, loin d’être un échec, est un triomphe de la raison et de la diplomatie. En se libérant, la Norvège a forgé son propre destin, tandis que la Suède a prouvé sa grandeur en acceptant cette séparation avec dignité. Le traité de Karlstad reste gravé dans les annales comme un modèle de séparation pacifique dans un monde où les conflits armés étaient souvent la norme.

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