Le 28 septembre 1066, une brume épaisse se leva sur les côtes d’Angleterre, et les vagues battirent avec une rare intensité les plages sauvages de Pevensey. Là, au cœur de ce paysage brut, un jour que l’on raconterait des siècles durant, la destinée d'une île allait être bouleversée à jamais. C’est là que le Duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, débarqua sur le sol anglais, avec une détermination forgée dans le feu des ambitions les plus audacieuses et la légitimité contestée de ses rêves royaux.
À la proue de ses navires, des dragons sculptés semblaient fendre les flots. Ces navires, construits par des artisans experts en Normandie, formaient une armada d’une envergure inédite, près de 700 navires, portant avec eux le souffle d'une histoire qui ne demandait qu'à s'écrire. Guillaume, lui, n’était pas seulement le duc aux armures étincelantes ; il était l’héritier des promesses anciennes, celles faites par le roi défunt Édouard le Confesseur. Mais lorsque Harold Godwinson prit la couronne après la mort d'Édouard, Guillaume se sentit trahi, spolié de ce qui, selon lui, lui revenait de droit.
Les galères normandes glissèrent sur les flots, amenant avec elles une armée de 7 000 hommes, des cavaliers aux arbalétriers, des hommes d’armes portant des blasons aux couleurs chatoyantes, prêts à en découdre. Les Normands mirent pied à terre, et, en une épopée presque homérique, commencèrent à décharger chevaux et provisions. Pevensey, ce bout de terre inhospitalier, devenait soudainement l’épicentre d’un drame immense qui allait changer le visage de l'Angleterre pour toujours.
Guillaume, méthodique et prudent, fit d’abord construire un camp fortifié. Il savait que la bataille ne serait pas une affaire de quelques jours : il s’agissait d’un défi au destin lui-même, une lutte pour le trône d’Angleterre. Les jours précédant cette arrivée, le duc s’était préparé spirituellement et militairement, obtenant même la bénédiction du pape sous la forme d'un étendard sacré. C'était désormais une croisade personnelle, une guerre juste, par la grâce divine.
L’histoire semblait résonner, comme si les Dieux nordiques s’étaient mêlés au Christ pour contempler l’inexorable progression du Normand. À Pevensey, Guillaume campa, fit ériger des palissades de bois, mais plus que cela, il planta la graine de la conquête. Pendant que ses hommes se reposaient des semaines de navigation, il envoya des éclaireurs reconnaître la région et fit preuve d'une stratégie implacable. Harold, quant à lui, au nord, venait de remporter une victoire éclatante à Stamford Bridge contre les envahisseurs Norvégiens. Mais cette victoire avait coûté des hommes, de l'énergie, et il ignorait que son ennemi normand, celui qui ne laisserait aucune place au hasard, foulait déjà les terres du sud.
Les habitants du Sussex regardaient de loin, terrifiés, cette marée humaine venue de l’autre côté de la Manche. Certains murmuraient des prières, d’autres, intrigués, observaient ces guerriers aux armures rutilantes, ces bannières arborant des lions ou des croix, et les chevaux, animaux rares et majestueux, agiles et disciplinés. Guillaume attendait, bâtissait sa force, et préparait le combat qui serait immortalisé dans la tapisserie de Bayeux : la fameuse bataille de Hastings.
Le 14 octobre 1066, à quelques kilomètres de là, la plaine d'Hastings serait témoin de la collision de deux mondes, de deux visions d’un même royaume. Le courage de Harold, avec ses houscarls formant un mur de boucliers, se heurterait à l’ingéniosité tactique de Guillaume, qui feignit la retraite pour défaire ses ennemis. La bataille fut féroce, les hommes s'effondrèrent sous le poids des haches, des lances et des flèches. Et, au crépuscule, Harold tomba, selon la légende, une flèche fichée dans l’œil.
Le débarquement à Pevensey ne fut que la première note de cette symphonie épique de conquête. En cette journée de septembre 1066, Guillaume avait planté le drapeau d’un avenir qu’il allait forger par le feu et le sang. Il deviendrait Guillaume le Conquérant, premier roi normand d’Angleterre, et laisserait une empreinte indélébile dans l’histoire anglaise, réorganisant la société selon le modèle féodal normand et construisant des forteresses, comme la célèbre Tour de Londres, symboles du pouvoir imposé.
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