Candie, la Citadelle Épuisée : L'Épopée du Plus Long Siège de l'Histoire

 Siege of Candia - Wikipedia

L’an de grâce 1669 vit la fin d’une tragédie d’une endurance inimaginable, une épopée qui semblait s’étendre sur des générations. Candie, la glorieuse capitale de l'île de Crète, vit ses murailles céder, enfin, après vingt-et-un ans de siège. Ce fut un combat titanesque entre l’Empire ottoman, vaste et puissant, et les forces européennes, principalement vénitiennes, qui avaient tenu bon, avec acharnement et bravoure, au bord du précipice. C'était le dernier rempart de la République de Venise en Méditerranée orientale, la fin d'un monde.

Le Commencement d'un Éternel Siège : La Vénus des Murs Contre Le Croissant

Tout commença en 1648, lorsque les troupes ottomanes débarquèrent sur la Crète. L'île, joyau méditerranéen sous domination vénitienne depuis plus de quatre siècles, était la clé du contrôle des routes maritimes vers l'Orient. Pour les Ottomans, l’extension de leur territoire vers l'ouest était une ambition inscrite dans le marbre de leur empire, et Candie – aujourd’hui appelée Héraklion – était leur objectif ultime.

Le siège de Candie n’était pas seulement une bataille entre deux armées ; c’était un choc de cultures, un affrontement d’idéaux, une lutte entre la croix et le croissant, une guerre entre l’ingéniosité italienne et la ténacité turque. Durant vingt-et-un ans, la ville devint une prison pour ses habitants, un champ de ruines progressif, où les murs s'écaillaient chaque jour un peu plus sous la fureur des canons ottomans.

Vingt-et-Un Ans de Feu et de Sang : Un Combat Digne des Dieux

Le Grand Vizir Köprülü Mehmed Pacha menait les opérations pour l’Empire ottoman. Les armées turques, soutenues par leur imposante artillerie, entourèrent la ville. Ils construisirent des tranchées, creusèrent des galeries et posèrent des explosifs sous les murailles, ne laissant aucun répit aux défenseurs vénitiens. La Crète devint une terre de désolation, ravagée par le siège sans fin.

Du côté vénitien, Francesco Morosini, gouverneur et commandant militaire, symbolisait la détermination à ne jamais céder. Sous son commandement, les troupes vénitiennes, aidées par des mercenaires français, maltais, et même des chevaliers de Saint-Jean, se battirent jusqu’à l'épuisement. Pendant ces longues années, Candie vit des milliers de vies sacrifiées. Des centaines de soldats moururent dans des attaques désespérées, tentant de repousser les Ottomans qui s'approchaient sans cesse des remparts, avec chaque tranchée, chaque tunnel, chaque explosion qui faisait craqueler la résistance des murailles.

Le siège fut ponctué par des moments héroïques mais aussi des trahisons et des désillusions. Les renforts européens, tant espérés, arrivaient au compte-gouttes, et chaque victoire partielle semblait presque être une goutte d'eau dans un océan de désespoir. La Marine vénitienne tenta plusieurs percées, tandis que les Ottomans tenaient bon, implacables. Le siège devint ainsi le plus long de l’histoire humaine, dépassant même les épreuves légendaires de Troie.

La Capitulation et la Fin d’un Monde

En 1669, la situation était devenue insoutenable. La population civile était exsangue, décimée par la famine, les maladies, et le désespoir. Morosini, malgré ses efforts surhumains, comprit qu’il n’y avait plus aucune chance de victoire. Le 6 septembre 1669, il négocia la reddition. La ville de Candie fut remise aux Ottomans, mais Morosini parvint à obtenir des termes relativement cléments pour les survivants, qui purent quitter la ville avec leurs biens.

Les troupes ottomanes entrèrent dans une ville silencieuse, une cité épuisée par plus de deux décennies de combats. Pour les Vénitiens, la perte de Candie marqua la fin de leur hégémonie en Méditerranée orientale, le chant du cygne d'un empire maritime autrefois redouté. Pour les Ottomans, c’était une victoire chèrement acquise, mais une victoire tout de même, inscrite désormais dans les annales de leur glorieux empire.

Candie : Un Symbole de Résistance et de Tragédie

L’histoire de Candie est une ode à la résistance, un témoignage de la détermination humaine face à l’adversité insurmontable. Pendant vingt-et-un ans, la ville résista contre toute logique, défiant une armée bien plus grande et mieux approvisionnée. Les habitants vécurent dans l’attente perpétuelle, entre espoir et désespoir, voyant chaque jour la mort frapper à leur porte sans jamais savoir si l’aube du lendemain apporterait la délivrance ou l'anéantissement.

Les murs de Candie, criblés de cicatrices, témoignèrent de la ténacité de ceux qui avaient choisi de rester et de se battre. Ce siège fut le dernier grand affrontement entre Venise et l’Empire ottoman, une confrontation qui marqua la fin de la domination vénitienne sur la Méditerranée orientale et le début d'une nouvelle ère où les Ottomans continueraient de s'étendre vers l'Europe jusqu'au cœur du XVIIIe siècle.

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