7 septembre 1901 : Le Protocole de paix Boxer – L’épilogue d’une révolte enflammée

 Révolte des Boxers — Wikipédia

En cette fin d’été 1901, les rues de Pékin sont calmes, trop calmes. Le vent souffle à travers les ruines de la Cité Interdite, autrefois fière et resplendissante. Les murs, meurtris par des mois de combats et de chaos, portent encore les cicatrices de la révolte des Boxers, cette rébellion violente qui a embrasé la Chine et ébranlé les fondations même de l’Empire céleste. Mais en ce jour, 7 septembre, un souffle d’apaisement traverse enfin la capitale. Le Protocole de paix Boxer est signé, marquant la fin d’une insurrection qui a marqué l’histoire de la Chine et des puissances étrangères.

La genèse d’un soulèvement

Pour comprendre l’importance de ce jour, il faut remonter quelques années en arrière, lorsque la Chine, fragilisée par des décennies d’humiliations infligées par les puissances coloniales, est à genoux. Depuis les guerres de l’opium et les traités inégaux, l’Empire du Milieu voit ses terres grignotées, ses richesses pillées et sa fierté nationale érodée. Le peuple, accablé par les famines, les catastrophes naturelles et la domination étrangère, commence à murmurer, à se rebeller.

C’est dans ce terreau de désespoir que naît la Société des Poings de la Justice et de la Concorde, plus connue sous le nom des Boxers. Ce groupe, d’abord petit et marginal, prône un retour aux valeurs traditionnelles et rejette en bloc l’influence occidentale et chrétienne qui s’immisce dans le tissu social chinois. Leurs croyances sont teintées de mysticisme et de légendes : les Boxers pensent être invulnérables aux balles étrangères grâce à des rituels et des pratiques secrètes. Leur mot d’ordre est simple : « Expulser les étrangers, détruire les missions chrétiennes et restaurer la grandeur de la Chine ».

L’embrasement de la révolte

À partir de 1899, la révolte éclate, d’abord dans les campagnes du nord, puis gagne rapidement les grandes villes. Les Boxers, reconnaissables à leurs bannières et à leurs cris de guerre, s’en prennent aux missionnaires chrétiens, qu’ils voient comme les symboles de l’oppression étrangère. Les églises sont incendiées, les prêtres et convertis chinoismassacrés. Les légations étrangères, symboles de la domination européenne, deviennent les cibles d’une haine farouche.

À Pékin, la tension monte inexorablement. L’impératrice Cixi, qui gouverne en sous-main à travers son neveu l’empereur Guangxu, oscille entre soutien et condamnation des Boxers. Voyant dans ce mouvement une opportunité de se débarrasser des puissances étrangères, elle hésite, joue la montre, mais finit par déclarer la guerre aux nations étrangères en juin 1900. C’est le début de l’été sanglant de Pékin.

Pendant 55 jours, les légations étrangères situées au cœur de Pékin sont assiégées. À l’intérieur, des diplomates, des soldats, des missionnaires, des femmes et des enfants luttent pour leur survie, entourés de milliers de Boxers et de soldats impériaux. Le monde entier a les yeux rivés sur cette scène surréaliste où la modernité et la tradition s’affrontent. Les nations occidentales, alarmées par le sort de leurs compatriotes, envoient des troupes pour secourir les assiégés.

L’arrivée des troupes internationales

C’est finalement une coalition internationale formée de huit puissances — la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie, les États-Unis, le Japon, l’Italie et l’Autriche-Hongrie — qui vient à bout du siège. Les troupes étrangères, mieux équipées et mieux entraînées, déferlent sur la Chine. Pékin tombe en août 1900, marquant la fin effective de la révolte. Mais la répression qui suit est brutale. Les Boxers sont pourchassés, exécutés sommairement, tandis que la ville est mise à sac par les soldats de l’alliance. La Chine, déjà affaiblie, est humiliée une fois de plus.

Le Protocole de paix Boxer : La chute d’un empire

Le 7 septembre 1901, les représentants de la dynastie Qing, forcés de plier sous le poids des défaites et des exigences étrangères, signent le Protocole de paix Boxer. Ce traité est une véritable capitulation : la Chine doit payer une indemnité colossale de 450 millions de taëls d'argent (environ 67 millions de dollars de l’époque), une somme astronomique qui enchaîne l’économie chinoise pour des décennies. Elle est contrainte d’autoriser la présence permanente de troupes étrangères à Pékin et d’interdire la constitution de milices anti-étrangères. Les responsables de la révolte, qu’ils soient Boxers ou dignitaires impériaux ayant soutenu le mouvement, sont exécutés ou emprisonnés.

Mais au-delà de ces conditions humiliantes, le Protocole marque aussi le début de la fin pour la dynastie Qing, déjà en déclin. Le peuple chinois, fatigué des intrigues de cour et de la faiblesse face aux puissances étrangères, commence à se tourner vers d’autres idéaux, des idéaux républicains et nationalistes. L’Empire, qui semblait éternel, vacille sous les coups de boutoirs du monde moderne.

Les répercussions : la naissance d’une Chine nouvelle

L’humiliation du Protocole Boxer laisse une profonde empreinte dans l’histoire chinoise. La dynastie Qing, fragilisée et discréditée, n’a plus que quelques années à vivre. En 1911, moins de dix ans après la signature du traité, la révolution Xinhai éclate, entraînant la chute de l’empire et la naissance de la République de Chine sous Sun Yat-sen. La révolte des Boxers, bien que vaincue, aura en quelque sorte semé les graines d’un réveil national.

Sur la scène internationale, la révolte des Boxers et ses conséquences ont marqué un tournant. Les puissances étrangères, conscientes de l’immensité de la Chine, de ses richesses potentielles mais aussi de son instabilité, s’empressent de maintenir un certain équilibre pour éviter l’effondrement total de l’empire, tout en continuant à l’exploiter. C’est cette situation, entre domination coloniale et résistance nationale, qui nourrira les luttes du XXe siècle, jusqu’à l’avènement de la République populaire de Chine.

L’héritage des Boxers

Aujourd'hui, la révolte des Boxers reste un sujet complexe et ambigu dans la mémoire collective chinoise. Pour certains, ils sont des héros, des défenseurs de l’intégrité culturelle et nationale face à l’ingérence étrangère. Pour d’autres, ils symbolisent le dernier sursaut d’un monde archaïque et dépassé, incapable de s’adapter à la modernité. Quoi qu’il en soit, leur histoire fait partie intégrante du long cheminement de la Chine vers son indépendance et sa souveraineté.

Ainsi, le Protocole de paix Boxer du 7 septembre 1901 n’est pas seulement la fin d’une révolte : il est le symbole d’un empire qui chancelle, d’un peuple qui cherche sa voie, et d’un monde qui bascule peu à peu dans le XXe siècle, un siècle de révolutions, de bouleversements et de renaissances.

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