7 septembre 1860 : Garibaldi entre dans Naples – Le souffle de l’unité italienne

Entry of Garibaldi into Naples, 7 September 1860

 Imaginez un vent brûlant qui traverse la Méditerranée, chargé d’embruns, de poussière et d’espoir. Au loin, sur les rives d’un royaume aux couleurs d’or et de bleu, une silhouette se dessine : celle d’un homme en poncho rouge, sur un cheval blanc, menant une armée hétéroclite, une armée de rêveurs, de patriotes et d’idéalistes. Cet homme, c’est Giuseppe Garibaldi, et ce jour, le 7 septembre 1860, est celui où Naples, l'une des plus grandes et plus anciennes cités européennes, ouvre ses portes à celui qui vient changer à jamais l’histoire de la péninsule italienne.

Le rêve d’une Italie unifiée

Pour comprendre l’ampleur de cet instant, il faut se plonger dans les méandres de l’histoire italienne. Pendant des siècles, l’Italie n’avait été qu’un concept géographique, une mosaïque de royaumes, de duchés et de républiques, divisée par les ambitions des puissances étrangères et les intérêts locaux. Mais au XIXe siècle, un mouvement irrésistible se met en marche : le Risorgimento, ce "renaissance" italien, qui vise à unir la péninsule sous une seule bannière.

Garibaldi, héros des guerres d’indépendance italiennes, est devenu l’âme de ce mouvement. Lui, le marin devenu soldat, le guerrier qui a combattu aux quatre coins du monde pour la liberté des peuples, incarne ce rêve d’une Italie libérée du joug des monarques étrangers et de l’occupation autrichienne dans le nord.

L’Expédition des Mille : Une poignée de braves face à un royaume

Tout commence quelques mois plus tôt, en mai 1860, sur la petite île de Quarto, près de Gênes. Garibaldi y rassemble un millier de volontaires, jeunes et ardents, pour mener une expédition aussi audacieuse qu’improbable : libérer le royaume des Deux-Siciles, l’un des États les plus puissants et les plus conservateurs d’Italie. Ce royaume, gouverné par la dynastie des Bourbons, semble une forteresse imprenable, protégée par une armée nombreuse et disciplinée.

Mais Garibaldi sait que la victoire ne réside pas dans les nombres, mais dans la ferveur et la détermination. Le 11 mai, ses hommes débarquent en Sicile, à Marsala, sous le regard étonné des habitants et des soldats ennemis. Très vite, cette armée en haillons, surnommée les Camicie Rosse (les Chemises rouges), commence à accumuler des victoires. Palerme tombe, et la Sicile tout entière se soulève. En l’espace de quelques mois, les Mille deviennent des milliers. Paysans, étudiants, et même des anciens soldats rejoignent la cause.

Après avoir conquis la Sicile, Garibaldi traverse le détroit de Messine et se dirige vers le continent. Ses victoires sont éclatantes, sa légende grandit. Partout où il passe, les populations se soulèvent, les armées ennemies se délitent, emportées par la vague irrésistible du Risorgimento. Et c’est ainsi qu’en ce début de septembre 1860, Garibaldi et ses hommes, ayant conquis la Calabre, se dirigent vers le joyau du royaume : Naples.

L’entrée triomphale à Naples : La fin d’un royaume

Le 7 septembre, l'aube se lève sur une Naples en effervescence. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre : Garibaldi arrive. Le roi François II, jeune et inexpérimenté, a choisi de fuir la ville quelques jours plus tôt, se retranchant dans la forteresse de Gaète, laissant Naples, sans défense, aux mains de l’ennemi. Mais pour le peuple napolitain, Garibaldi n’est pas un conquérant : il est un libérateur, un symbole d’espoir et de justice.

Au rythme des sabots des chevaux, des cris d’enthousiasme et des cloches qui résonnent dans toute la ville, Garibaldi, debout sur son cheval blanc, fait son entrée dans la ville par la Porta Capuana, l’une des portes historiques de Naples. Des milliers de personnes se pressent dans les rues, agitant des drapeaux tricolores, lançant des fleurs et acclamant leur héros. Certains pleurent, d’autres crient son nom. Les femmes jettent des pétales depuis les balcons, les hommes saluent en retirant leur chapeau. Ce jour, Naples ne se souvient plus de ses divisions, de ses luttes internes. Tout ce qui compte, c’est que Garibaldi, l’homme du peuple, est là, et que l’Italie, enfin, est en train de naître.

Il se rend directement au Palais Royal, jadis siège du pouvoir des Bourbons. Mais au lieu de prendre possession du trône, il s’installe dans les bureaux, humble et austère. Car Garibaldi ne veut pas du pouvoir personnel : son rêve est celui de l’unité italienne sous la couronne du roi Victor-Emmanuel II de Piémont-Sardaigne. Il ne se bat pas pour un royaume nouveau, mais pour un pays uni, fort et libre.

La chute du royaume des Deux-Siciles

Si l’entrée de Garibaldi à Naples est triomphale, l’unité italienne est encore loin d’être assurée. Le royaume des Deux-Siciles existe toujours, et François II, retranché dans Gaète, espère organiser une contre-offensive. Les combats se poursuivent pendant plusieurs mois. Mais peu à peu, l’armée des Bourbons, démoralisée et isolée, cède du terrain. En février 1861, Gaète tombe enfin, et avec elle, le royaume des Bourbons s’effondre.

Le 17 mars 1861, l’Italie est officiellement proclamée unie, avec Victor-Emmanuel II comme roi. Mais le chemin reste long : Rome est encore sous le contrôle du Pape et les Autrichiens tiennent le nord-est de la péninsule. Pourtant, grâce à des hommes comme Garibaldi, l’Italie est désormais plus qu’un rêve : elle est une réalité.

L’héritage de Garibaldi

L’Expédition des Mille, et en particulier l’entrée de Garibaldi à Naples, restera dans l’histoire comme l’un des moments les plus héroïques et romantiques du Risorgimento. Giuseppe Garibaldi, par son courage, son charisme et son sens du sacrifice, est devenu un symbole mondial de la lutte pour la liberté. Ses actes ont inspiré des mouvements révolutionnaires bien au-delà de l’Italie, faisant de lui une icône du XIXe siècle.

Naples, quant à elle, a été transformée à jamais. D’une capitale bourbonienne, elle est devenue un centre vital de l’Italie unifiée. L’entrée triomphale de Garibaldi est encore commémorée aujourd'hui, chaque 7 septembre, comme un tournant décisif dans la longue marche italienne vers l’unité.

Giuseppe Garibaldi, l'homme à la chemise rouge, restera à jamais dans l'imaginaire collectif comme le héros des Mille, celui qui, par la seule force de sa volonté et la détermination de ses hommes, a forgé l’unité de toute une nation.

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