1794 : La Révolution Brise les Chaînes du Divin – La Première Loi de Séparation des Églises et de l’État

 Loi de séparation des Églises et de l'État — Wikipédia

Une Révolution qui ébranle le Ciel et la Terre

  1. Le cœur de la France bat au rythme d’une tempête sans égale. La Révolution française, déchaînée, a déjà fait trembler les trônes des rois, mais cette fois, c’est l’Église qui vacille. Ce n’est plus seulement le pouvoir monarchique qui est mis en cause, mais l’institution millénaire qui régnait dans les âmes. La foi, autrefois ancrée dans le marbre des cathédrales et protégée par le sceptre des rois, se trouve face à l’un des moments les plus critiques de son histoire. En cette année 1794, les fondations même de l’ordre religieux sont brisées, et la première loi de séparation des Églises et de l'État est votée.

Le vent de la déchristianisation

Depuis plusieurs années, la Révolution française s’est attaquée à tous les symboles de l’Ancien Régime. En 1791, la Constitution civile du clergé a déjà déchiré le voile sacré qui unissait l’Église à l’État, forçant les prêtres à jurer fidélité à la République plutôt qu’au Pape. Mais cela n’est pas suffisant pour les révolutionnaires les plus radicaux. Les sans-culottes, lames aiguisées de la Révolution, n’aspirent qu’à la destruction complète de cette alliance que la monarchie avait nouée avec le ciel.

Le mouvement de déchristianisation, porté par des figures comme Jacques Hébert, gagne en intensité. Les églises sont pillées, les croix abattues, et les prêtres traqués comme des ennemis de la République. Les rues de Paris, comme celles de la province, deviennent le théâtre d’une véritable guerre contre tout ce qui rappelle l’ordre ancien, et l’Église est perçue comme la complice du despotisme.

Mais la Révolution, dans son feu et sa passion, va plus loin encore. La question de la foi doit être réinventée, à l’image d’un monde neuf où liberté, égalité, fraternité doivent régner sans partage.

La République contre Dieu

Le 21 février 1794, un événement sans précédent se produit : la Convention nationale vote la première véritable loi de séparation des Églises et de l’État. Une rupture définitive est consommée entre le temporel et le spirituel. Pour la première fois dans l’histoire de France, la religion est officiellement désavouée par l’État. L’exercice des cultes est désormais strictement privé, et toute forme de soutien public aux Églises est proscrite.

Cette décision, née dans les convulsions révolutionnaires, va bien au-delà des simples mesures administratives. Elle symbolise une rébellion philosophique, un rejet de toute autorité autre que celle de la Raison. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen avait déjà proclamé la liberté religieuse en 1789, mais cette loi de 1794 enfonce le clou : l’État n’a plus de maître divin.

Dans les esprits les plus exaltés, un autre Dieu doit naître, façonné par les idéaux de la Révolution. C’est ainsi que Maximilien Robespierre, pourtant opposé aux excès de la déchristianisation violente, se fait l’apôtre du Culte de l’Être Suprême. Il rêve d’une nation guidée par la raison et la vertu, mais aussi par une spiritualité nouvelle, pure, affranchie des dogmes corrompus. La fête de l’Être Suprême, célébrée quelques mois plus tard, tentera de marquer cet avènement. Mais pour l’instant, c’est l’heure du déclin des anciennes croyances.

L’Église en exil

Pour l’Église catholique, ce coup est un séisme. Elle, qui avait si longtemps été le pilier de l’ordre moral et social en France, voit son influence s’éteindre. Les prêtres réfractaires, ceux qui ont refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, vivent dans la clandestinité ou sont traînés devant les tribunaux révolutionnaires. Des milliers d’entre eux sont emprisonnés, et plusieurs centaines seront guillotinés.

Les églises, autrefois lieux de recueillement et de prière, sont converties en temples de la Raison, où l’on célèbre les vertus de la philosophie et de la science plutôt que les mystères de la foi. Paris, la capitale de la Révolution, n’est plus la « fille aînée de l’Église », mais la ville lumière de la laïcité naissante.

Cependant, l’Église n’est pas totalement annihilée. Dans les campagnes, loin de l’agitation des grandes villes, la foi persiste. Les paysans, attachés à leurs traditions et à leurs saints, continuent de se réunir discrètement pour prier, malgré la répression.

Une rupture historique aux racines profondes

La loi de 1794 marque donc un tournant historique. Elle ne sera pas immédiatement durable, car la France, après la chute de Robespierre et la fin de la Terreur, reviendra partiellement sur cette séparation. Napoléon, quelques années plus tard, signera le Concordat de 1801 avec le Pape, rétablissant un lien entre l’Église et l’État. Mais le germe de la laïcité est planté, et il portera ses fruits dans le siècle suivant.

Cette première loi de séparation des Églises et de l’État jette les bases de ce qui deviendra, en 1905, la grande loi de laïcité en France, posant définitivement le principe de neutralité de l’État en matière religieuse et la liberté de conscience pour chaque citoyen. Mais avant d’en arriver là, il fallait ce premier coup d’éclat, ce premier défi lancé à des siècles de domination religieuse sur les affaires politiques.

L’éternelle quête de liberté

Ainsi, la loi de 1794 s’inscrit dans une quête plus vaste, celle de la liberté absolue. Liberté de penser, liberté de croire, ou de ne pas croire. Liberté pour chaque individu de forger son propre rapport au divin, sans intervention de l’État. Cette loi est l’un des jalons les plus marquants de cette marche vers une société où l’autonomie de la pensée est élevée au rang de vertu suprême.

La Révolution française, dans sa fureur, dans ses excès, n’a pas seulement changé la politique, elle a redéfini la place de l’homme dans l’univers. En brisant les chaînes qui liaient l’Église à l’État, elle a ouvert la voie à une nouvelle ère, où l’esprit humain, affranchi des dogmes et des pouvoirs terrestres, peut enfin s’élever.


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