En 1380, la France est à la croisée des chemins. Le roi Charles V, surnommé "le Sage", vient de s’éteindre, laissant derrière lui un royaume fragilisé par la guerre de Cent Ans, mais aussi consolidé par ses réformes et sa politique prudente. Le destin du trône repose désormais sur les frêles épaules de son fils, un enfant de seulement 11 ans : Charles VI.
Au moment de son avènement, le jeune Charles est accueilli avec espoir et ferveur par un peuple épuisé par les conflits. On le couronne à Reims, sous le regard vigilant des princes et des grands du royaume. Mais sous l’éclat des joyaux de la couronne, une question plane : le jeune Charles pourra-t-il être à la hauteur de son illustre père ?
Dans les premières années de son règne, le royaume est dirigé par une régence menée par ses oncles, notamment les ducs de Bourgogne et de Berry, des princes ambitieux et avides de pouvoir. L’or du trésor royal est dilapidé, et la gestion du royaume se fait au gré des intérêts personnels. Mais en 1388, Charles VI, désormais majeur, décide de prendre les rênes du pouvoir. Il écarte ses oncles et entoure son gouvernement de réformateurs compétents, surnommés les "Marmousets". Sous sa direction, la France reprend espoir. Le roi montre des qualités admirables, il est brave, bienveillant, et son règne semble s’annoncer sous les meilleurs auspices.
Cependant, dans les ombres de ce jeune règne prometteur, une tempête plus terrible encore que la guerre menace : la folie. En 1392, lors d’une expédition contre le duché de Bretagne, Charles est soudainement frappé par une crise d’hallucinations. Il se met à attaquer violemment ses propres chevaliers, croyant être assailli par des ennemis invisibles. Il hurle, il frappe, il tue. Dès lors, le roi vacille entre des périodes de lucidité et de démence, laissant la France désemparée.
On raconte que Charles VI se croyait fait de verre, qu’il refusait d’être touché par crainte de se briser. À la cour, il errait, perdu dans un monde que lui seul pouvait percevoir, incapable d’assumer les responsabilités de la couronne. Les crises se multiplient, plongeant la France dans un chaos politique sans précédent. Les factions rivales se déchirent, entre les Armagnacs et les Bourguignons, tandis que le roi, surnommé désormais "Charles le Fou", est relégué à un rôle de spectateur impuissant de la ruine de son royaume.
La folie du roi, imprévisible et effrayante, a de lourdes conséquences. Le pays s'enfonce dans la guerre civile, et l’Angleterre, profitant de la faiblesse de la couronne, relance ses attaques sur le sol français. Le trône devient un objet de convoitise, et la guerre de Cent Ans, loin de s’achever, s’envenime. Le traité de Troyes en 1420, qui déshérite le dauphin Charles et promet le trône de France au roi d’Angleterre, marque le point culminant de la déchéance du royaume sous le règne d’un roi incapable.
Charles VI, malgré sa condition, règne jusqu'à sa mort en 1422, mais son règne, entamé dans l’espoir, se termine dans le désespoir et la tragédie. Sa folie, plus que tout autre événement, symbolise l’instabilité d’un royaume pris dans les tourments de la guerre, des luttes intestines et de la perte de son unité.
Aujourd'hui, le nom de Charles VI reste à jamais associé à cette folie qui a marqué son règne. Mais derrière ce surnom cruel se cache l’histoire poignante d’un roi autrefois plein de promesses, brisé par une maladie que l’on ne comprenait pas, et dont la vie fut une tragédie à l’échelle d’un royaume.
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