En cette année fatidique de 1066, l’Angleterre, une île battue par les vents et les ambitions, s’apprêtait à vivre l’un de ses bouleversements les plus marquants. Dans ce tumulte, la bataille de Fulford, prélude sanglant de la conquête normande, est trop souvent éclipsée par la grande victoire de Guillaume le Conquérant à Hastings. Pourtant, le 20 septembre, une autre tempête s’abattait sur les terres anglaises, celle menée par un roi viking à l’aura légendaire : Harald Hardrada, l'« Impitoyable ».
Le Dernier Rêve Viking
Harald Sigurdsson, dit Harald Hardrada, était l’un des derniers grands rois vikings, un homme forgé dans les flammes des guerres et des conquêtes. Né dans les vastes plaines glacées de la Norvège, Hardrada n’était pas un simple souverain ; il était l’ombre des sagas, un guerrier qui avait combattu dans des contrées aussi lointaines que Byzance et Jérusalem. À soixante ans, son rêve ultime restait inassouvi : devenir le roi d’Angleterre.
En 1066, une lutte pour le trône anglais éclata suite à la mort d'Édouard le Confesseur, sans héritier direct. Trois prétendants revendiquaient la couronne : Harold Godwinson, noble anglais couronné par le Witenagemot, Guillaume de Normandie, son rival au sud, et Hardrada, convaincu que le trône lui revenait par un ancien accord passé entre rois vikings.
La Marche vers Fulford
En septembre, après avoir rassemblé une flotte massive, Hardrada se dirigea vers l’Angleterre, accompagné d'un autre prétendant au trône, Tostig Godwinson, frère de Harold, mais devenu son ennemi juré. Avec 300 drakkars fendant les eaux glacées de la mer du Nord, Hardrada débarqua sur la côte du Yorkshire, prêt à conquérir le royaume de ses ancêtres vikings.
Harald Godwinson, roi récemment couronné, se trouvait alors à l'autre bout du pays, préparant ses forces pour une invasion imminente du duc Guillaume de Normandie. Les Nordiques, en route vers York, furent accueillis par les armées locales dirigées par deux grands seigneurs anglais : Edwin de Mercie et Morcar de Northumbrie.
La Bataille de Fulford : L’Éclair des Haches et des Boucliers
Le 20 septembre 1066, sur les rives de la petite rivière Ouse, près du village de Fulford, les armées s’affrontèrent. Les forces anglaises, bien que courageuses et fières, étaient en infériorité numérique face aux redoutables guerriers de Hardrada, dont la réputation n’était plus à faire. Les Anglais, sous les bannières de Morcar et Edwin, alignèrent leurs troupes le long d'une digue, espérant utiliser le terrain à leur avantage.
Mais Hardrada, rusé et expérimenté, déploya une stratégie dévastatrice. Au début du combat, les Anglais réussirent à repousser les Norvégiens, gonflés par l’espoir d’une victoire contre cet envahisseur légendaire. Pourtant, Hardrada, tel un vieux loup, attendit que ses adversaires s’épuisent. Puis, avec une partie de ses troupes en embuscade, il lança une contre-attaque foudroyante. Les haches viking s’abattirent sans pitié sur les lignes anglaises.
Les forces de Morcar et Edwin furent brisées. La rivière Ouse devint rouge de sang, et les survivants anglais durent fuir ou périr sous les coups des hommes du Nord. Hardrada, victorieux, avait pris Fulford et s’ouvrait désormais la route vers York. Cette victoire confirmait la puissance de son armée et son ambition : régner sur l’Angleterre.
Une Victoire Éphémère : Le Crépuscule d’un Roi Viking
Pourtant, la gloire de Fulford fut de courte durée. Cinq jours plus tard, le 25 septembre, le roi Harold Godwinson, après une marche forcée depuis le sud de l’Angleterre, surprit Hardrada à la bataille de Stamford Bridge. Ce qui avait commencé comme une invasion triomphante se termina en désastre pour les Vikings. Hardrada y trouva la mort, et avec lui, s’éteignait le rêve des derniers grands rois nordiques de régner sur l’Angleterre.
La bataille de Fulford, bien qu’elle soit une victoire pour Hardrada, fut le prélude à la fin de l’ère viking. La conquête normande allait bientôt transformer à jamais le visage de l’Angleterre. Mais en ce 20 septembre 1066, sur les plaines de Fulford, résonnaient encore les cris des guerriers vikings, portés par le vent du nord, comme un ultime écho des temps anciens.
Commentaires
Enregistrer un commentaire